Isabelle Filliozat nous parle des "caprices" , qui n'existent pas chez le tout petit : il n'y a pas de lutte pour le pouvoir.
Transcription :
"Les comportements de nos enfants sont en service de leurs besoins. Trop souvent quand nous concluons aux caprices, nous nous disons « Ça, mon enfant fait un caprice », ça signifie que nous ne comprenons pas le sens de son comportement, nous ne comprenons pas le message qu’il nous envoie. Un exemple, un jour une petite fille était là dans la cuisine, sa maman lui dit « Tu ne touches pas à ce placard, tu laisses… tu n’ouvres pas ce placard » et la petite fille, elle avait un an et demi et donc, bien sûr, qu’est-ce qu’elle a fait ? Elle a regardé sa maman bien attentivement et elle a été ouvrir le placard et la maman immédiatement s’est dite « Ah ! Tu me tiens tête ». Elle a interprété le comportement de sa fille comme étant une tentative de prise de pouvoir, comme étant de l’ironie, comme étant de l’insolence. Ça n’est pas de l’insolence quand une petite fille de 18 mois tente de faire exactement ce que sa maman vient de lui demander de ne pas faire. D’ailleurs il suffit de voir que tous les enfants de 18 mois, nous le savons bien, dès que nous disons à un enfant ne fait pas ceci, ne fait pas cela, on est à peu près sûr s’il a 18 mois, 2 ans, 2 ans et demi, que ce qu’il va faire c’est exactement ce que nous venons de lui dire de ne pas faire et d’ailleurs il va le faire en regardant bien attentivement son parent et c’est là que nous pouvons comprendre qu’en fait il ne s’agit absolument pas d’ironie. Il ne s’agit absolument pas d’insolence puisque l’enfant regarde son parent. La mère a tendance à dire « Et en plus tu me regardes. Quelle insolence ! », mais non.
En fait, un enfant de cet âge-là n’a pas encore la capacité de se faire des images mentales et donc, quand sa maman lui dit « Ne touche pas à ce placard », l’enfant n’a encore qu’une intelligence sensori-motrice, c'est-à-dire une intelligence qui est encore… qui nécessite de manipuler, de toucher et donc pour s’approprier la consigne que sa maman vient de lui donner, l’enfant est dans l’obligation de diriger sa main vers… Maman a dit « Ne pas ouvrir le placard », alors « ouvrir placard c’est comme ça que je fais et je regarde ma maman. Est-ce que c’est ça maman que tu veux que je ne fasse pas ? ». Et donc, la réaction appropriée bien sûr c’est « Mais oui ma chérie, c’est exactement ça que je te demande de ne pas faire, maintenant le placard reste fermé » et comme ça la petite fille peut comprendre mais trop souvent on interprète qu’il me tient tête, non. Chaque fois que nous nous disons dans notre tête « Mon enfant me tient tête », stop. Quel est le besoin de mon enfant ? Quel est le besoin à son stade de développement ? Tous les enfants de 2 ans vont demander à choisir leurs vêtements, c’est naturel qu’un enfant de 2 ans refuse les bottes que maman a choisies. Ça n’est pas pour tenir tête à sa maman, c’est juste parce qu’il est dans un besoin à son âge de se définir par lui-même et donc, de choisir par lui-même. A l’âge de 3 ans, l’enfant ce n’est pas pour tenir tête à sa mère qu’il dira « Non, je ne veux pas que tu coupes mon œuf, c’est moi qui coupe… qui ouvre mon œuf tout seul ». Le fait de faire tout seul est existentiel pour lui, c’est trop fondamental, ça n’est pas du tout pour tenir tête à sa mère. Cessons de jouer des jeux de pouvoir avec nos enfants parce qu’en réalité ce ne sont pas eux qui jouent des jeux de pouvoir avec nous, c’est nous qui sommes tellement, tellement habitués à être dans des jeux de pouvoir, tellement, tellement habitués à interpréter le monde relationnel et surtout le monde entre les parents et les enfants comme étant une lutte permanente pour le pouvoir que nous projetons sur nos enfants ce désir de pouvoir sur nous. Ça n’est pas la réalité. Ils cherchent juste à grandir, à satisfaire leurs besoins, à avoir du pouvoir, oui, mais sur eux-mêmes."